Un système électoral gangrené

Depuis les premières élections démocratiques de 2006, les espoirs d’un processus électoral transparent en RDC ont souvent été déçus. En 2023, malgré une enveloppe budgétaire record dépassant le milliard de dollars, les pratiques de fraude et de corruption se sont amplifiées, allant jusqu’à miner la crédibilité même de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et de la Cour constitutionnelle.

Le rapport d’Ebuteli brosse un tableau sombre : achat de voix, manipulation des résultats, détournement de dispositifs électroniques de vote (DEV), ingérence politique dans le recrutement des agents électoraux, ou encore usage sélectif de sanctions contre des élus pourtant compromis.

« Les élections se sont transformées en marché d’échange illicite, dominé par des pratiques de corruption à tous les niveaux – central, provincial et local », souligne le professeur Albert Malukisa, directeur du pilier gouvernance à Ebuteli.

Des témoignages édifiants

Le rapport donne la parole à plusieurs témoins directs des dérives électorales. À Bukavu, un ancien agent de la Ceni raconte comment des candidats ont fait recruter leurs partisans comme agents électoraux, avec pour mission d’orienter le vote en leur faveur. D’autres témoignages font état de la « privatisation » de machines à voter, avec des sommes allant jusqu’à 20 000 dollars déboursées par des candidats pour se procurer un dispositif.

L’usage de l’encre indélébile a été volontairement omis dans plusieurs bureaux de vote, permettant à certains électeurs de voter plusieurs fois. Dans certains cas, des jeunes délinquants (kuluna) ont été mobilisés pour intimider les électeurs et créer un climat favorable à la fraude.

Des recommandations pour une refondation du système

Face à ce constat alarmant, Ebuteli ne se contente pas de dresser un diagnostic. L’institut propose une série de recommandations concrètes pour restaurer l’intégrité du processus électoral :

  • Réforme de la loi électorale pour y intégrer des dispositions strictes contre la corruption ;
  • Sélection transparente des juges constitutionnels et renforcement de l’indépendance des juridictions électorales ;
  • Recrutement du personnel de la Ceni par concours publics, supervisés par un cabinet indépendant ;
  • Remplacement de l’encre indélébile par le prélèvement d’empreintes digitales, pour prévenir les votes multiples ;
  • Clarification du rôle de la police électorale, afin de garantir la sécurité sans intimidation.

Un forum pour reconstruire la confiance

Le forum a réuni une diversité d’acteurs : chercheurs, représentants de la société civile, anciens parlementaires et experts électoraux, dont Me Juvénal Munubo et Patrick Ntambwe de la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (Symocel). Tous ont insisté sur la nécessité d'une refondation profonde de la gouvernance électorale.

« Le système de désignation par les confessions religieuses a atteint ses limites. La gouvernance de la Ceni doit être repensée sur des bases transparentes et méritocratiques », a martelé le professeur Pascal Isumbisho.

Un défi pour la démocratie congolaise

Alors que les prochaines échéances électorales se profilent, la RDC doit tirer les leçons des échecs du passé. Le combat contre la corruption électorale n’est pas seulement juridique ou technique : il engage la survie même de la démocratie congolaise. À travers ce forum et son rapport, Ebuteli entend ouvrir la voie vers une gouvernance électorale crédible, au service du peuple congolais.

Pour le CNPAV

Madeleine, Chargée de communication, communication@cnpav.org, +243 847 073 333

Télécharger le document