
Table ronde de haut niveau sur l’Avenant 5 de la Convention Sicomines
Kinshasa, 9 mai 2025 – C’est une onde de choc qui a secoué les esprits lors du forum d’échange organisé par le CNPAV (Le Congo n’est pas à vendre), rassemblant parlementaires, experts et membres de la société civile autour de l’avenant 5 de la convention sino-congolaise( Convention Sicomines). Une rencontre sans filtre où les illusions se sont effondrées face aux faits : la République démocratique du Congo, riche en minerais, reste enchaînée par un contrat minier aux retombées dérisoires.
Un contrat lourd de promesses… et de pertes
Signé le 14 mars 2024, l’avenant 5 promettrait 7 milliards de dollars pour les infrastructures sur 20 ans, selon le gouvernement congolais. Mais derrière cette annonce tapageuse, la réalité est bien plus amère : ce financement est conditionné au prix du cuivre sur le marché mondial que la RDC ne contrôle pas. Pire encore, si le prix de la tonne de cuivre est inférieur à 5 200 dollars la tonne, la RDC ne recevra aucun dollar pour financer les infrastructures, quelle que soit la quantité de cuivre et de cobalt que la Sicomines produira et exportera. En plus, l'avenant ne prend pas en compte les revenus générés par le cobalt, un minerai stratégique qui fait partie des réserves minières mises à la disposition de la Sicomines par la Gécamines. . Le montant annuel de 324 millions USD annoncé est donc conditionné par le prix du cuivre à 8000 USD la tonne. En 2024, alors que les cours du cuivre dépassent les 9 000 USD, le plafonnement à 324 millions USD a privé le pays de plus de 100 millions de recettes. Autre clause surprenante de cet avenant, c'est que ni la quantité de cuivre exploitée, ni celle de cobalt, produites et vendues par la Sicomines ne sont prises en compte dans le calcul de financement des infrastructures. Résultat : des fonds hypothétiques, une opacité inquiétante et un contrat bâti sur du sable.
Des estimations glaçantes ont été révélées : au lieu des 600 à 700 millions USD que le pays devrait percevoir annuellement comme c'est le cas dans les autres projets miniers de la taille de la Sicomines, la RDC ne recevra que 300 millions soumis aux aléas de la volatilité des prix du cuivre sur le marché mondial. Et pourtant, ce sont bien iles 10 millions de tonnes de réserves de cuivre et plus de 600 mille tonnes de réserves de cobalt de la RDC qui alimentent et fondent le deal. En retour ? Un partenariat déséquilibré dans tous les compartiments : outre les exonérations fiscales et parafiscales hors normes accordées à la Sicomines qui occasionnent des manques à gagner, la partie chinoise se taille la part du lion dans l'actionnariat de la coentreprise Sicomines. 68 % des parts sociales pour les entreprises chinoises contre 32 % pour la RDC, à travers la Gécamines. Même ce dernier déséquilibre qui saute aux yeux n'a pas été réajusté par l'avenant 5. Cette répartition des parts sociales est qualifiée de « léonine » par plusieurs experts, d’autant plus que les études de faisabilité ont été jugées opaques, incomplètes, voire manipulées.

Des infrastructures détournées de leur objectif
Alors que l'annexe C de la convention initiale prévoyait des ambitions claires sur les infrastructures à réaliser : 7 000 km de routes, 3 000 km de voies ferrées, …, pour un coût de 3 milliards USD, seuls 822 millions USD ont été alloués à quelques infrastructures entre 2009 et 2022. . En lieu et place des infrastructures stratégiques comme les routes, les chemins de fer, ce sont les stades, esplanades du palais du peuple, et autres ouvrages sans impact national qui ont été priorisés. Les mécanismes de dépense publiques ont été contournés, sans appels d’offres, sans contrôle parlementaire, avec des prix surfacturés, parfois jusqu’à quatre fois la norme.
Des pratiques contractuelles entachées d’opacité
Le forum a aussi dévoilé les dérives autour des avenants précédents. L’avenant 4, jamais officiellement publié, a permis aux investisseurs de capter 60 % des bénéfices avant même le remboursement des prêts ayant servi au développement du projet minier et à la réalisation de quelques infrastructures. En plus, entre 22 et 33 millions USD ont été distribués par la Sicomines en jetons de présence à l'équipe de plus de 260 négociateurs congolais, un prélèvement direct sur les fonds censés construire des routes, des ponts, des écoles.
Une gouvernance contestée, une révolte assumée, Société Civile en alerte maximale
Du côté des députés nationaux, des voix se sont élevées pour dénoncer la mise à l’écart du Parlement et l’absence de contrôle sur la gestion des fonds. Le schéma de gouvernance mis en place fonctionne hors du cadre légal, échappant au budget national et alimentant un système parallèle. Certains ont dénoncé un « circuit anarchiste » des dépenses publiques, d’autres ont réclamé une mission parlementaire spéciale et un audit complet de l’ensemble de la convention, de 2008 à 2023.
Le CNPAV a insisté sur la nécessité d’abroger la loi n°14/005 du 11 février 2014 relative au régime fiscal applicable aux conventions de collaboration et aux accords de coopération, qui offre à la Sicomines des exonérations fiscales énormes contraires au régime du code minier. Pour le CNPAV, la Sicomines doit être soumise au régime du code minier pour respecter l'esprit de la réforme de la législation minière de 2018 qui vise à mettre tous les opérateurs miniers sur un pied d'égalité. Le CNPAV appelle instamment à la révision de l’actionnariat de la Sicomines afin d'accorder à la Gécamines un minimum de 50% des parts sociales . L’ACGT, gestionnaire des projets d’infrastructures, s’est défendue, mettant en avant ses compétences techniques mais reconnaissant les limites d’un système gangrené par le manque de coordination et de normes nationales.
Vers une vision stratégique et filière par filière
Parmi les propositions majeures débattues figure l’option de réviser ou d’abroger la loi n°14/005 du 11 février 2014 qui accorde à Sicomines un régime fiscal dérogatoire échappant aux règles du code minier révisé. Pour de nombreux participants, il est impératif que cette joint-venture sino-congolaise soit désormais soumise aux normes communes applicables à tout opérateur minier en RDC. Cet alignement sur le droit minier national permettrait non seulement d’unifier les règles du jeu, mais aussi d’augmenter significativement les recettes de l’État. Dans cette dynamique, les députés membres des commissions économique et financière (Ecofin) et environnement et ressources naturelles de l’Assemblée nationale ont exprimé leur volonté de poursuivre, aux côtés du CNPAV, une série d’analyses approfondies en vue d’un rééquilibrage urgent des intérêts de la RDC dans ce partenariat devenu le symbole de l’injustice contractuelle et du bardage des ressources minières du pays.
Au-delà des critiques, le forum a ouvert la voie à une reconstruction. Une voix commune a émergé : celle d’un Congo qui ne veut plus être le dindon de la farce. Il ne s’agit plus seulement de réagir, mais de penser en amont. Développer une vision intégrée de l’exploitation minière, investir dans l’industrialisation locale, planifier par filière (cuivre, cobalt, or, etc.), comme l’ont déjà fait d’autres nations du continent africain. .
Un appel vibrant à la redevabilité
Les participants ont été tous unanimes : il faut rendre des comptes. À la population. Au Parlement. À l’histoire. Les ressources minières ne peuvent plus être un mirage. Elles doivent financer l’éducation, les routes, l’électricité. Pour cela, il faut de la transparence, des normes, des audits, et surtout, du courage politique. La renégociation de l’avenant 5 n’est pas une option, c’est une obligation.
Le forum du 9 mai 2025 restera comme un moment de bascule. Un cri collectif pour en finir de l’opacité et des contrats léonins pour remettre le Congo débout , maître de ses ressources et architecte de son avenir.
Pour le CNPAV
Madeleine, Communication@cnpav.org , +243 847 073 333